Le lâcher-prise est un concept de la psychologie que l'on
peut appliquer dans l'apprentissage de l'équitation
montée, dans le perfectionnement plus
précisément des aides chez un cavalier
à la recherche de la
légèreté.
Le lâcher-prise est le contraire absolu du
contrôle.
Qui n'a jamais eu l'occasion de faire ce petit jeu de
lâcher-prise qui consiste à fermer les yeux et se
laisser tomber au centre d'une petite ronde de personnes qui doivent
vous retenir et vous empêcher de tomber ? Il ne s'agit rien
moins que de lâcher-prise, abandonner le contrôle,
faire confiance.
Dans la vie de tous les jours, nous cherchons constamment à
contrôler les évènements et les
réactions des autres. Mais nous ne pouvons ni changer les
situations, ni changer les autres. Ce que nous pouvons changer lorsque
quelque chose ne nous convient pas, c'est seulement notre
façon de percevoir cette réalité ou
d'appréhender les autres.
Vouloir tout contrôler, c'est se mettre
inévitablement en situation d'échecs. Vouloir
tout contrôler réduit sa propre liberté
en érigeant des contraintes, des contraintes de
résultats bien souvent. Penser obsessionnellement à un
problème ne permet pas de le résoudre, cette
attitude est plutôt inefficace car elle parasite l'instant et
la clairvoyance.
Se détacher du problème au contraire,
lâcher-prise, oxygène le cerveau.
Lors de sa pratique équestre le cavalier cherche tout le
temps à contrôler sa monture. N'est-ce d'ailleurs
pas ainsi que sont formulés les objectifs de chaque niveau ?
-
Contrôler la vitesse et l'allure sur un
enchaînement de sauts isolés.
- Contrôler
la cadence de chaque allure.
- Maîtriser
l'incurvation.
- Contrôler
la rectitude lors des changements de pied en l'air au galop
Plus
un cavalier cherche à contrôler, moins son
fonctionnement est spontané. Il informe par ailleurs ainsi sa
monture sur son sentiment d'insécurité et risque
de moins en moins de la contrôler justement, ce qui l'amenera
à renforcer son contrôle (ses aides) et
à entrer dans un cercle vicieux loin de
l'équitation de légèreté.
Plus il contôle, plus il s'éloigne du moment
possible de lâcher-prise.
Au contraire, le cavalier doit abandonner son besoin de
contrôle et faire confiance. Cette
façon psychologique de fonctionner amène
une décontraction du corps, et ouvre la voie de la
très fameuse descente des aides que l'on admire sur les
gravures : exercices et airs réalisés
rênes détendues, voire longues, ou même
sans filet : Baucher, Nuno Oliveira, Philippe Karl, mais aussi Jean-marc Imbert,
Lorenzo ...
Les exercices sont réalisés avec la
coopération du cheval, dans une totale
décontraction des deux corps (cheval et cavalier), et non
sur une demande exercée dans la contrainte (pris entre mains
et jambes ou encore tiré-poussé).
-
Descente de jambes : relâchement des jambes du cavalier qui
n'interviennent plus dans la condutie du cheval et se contentent
d'accompagner moelleusement ses mouvements. Les jambes pendent alors
par leur propre poids, l'absence de stimulation équivaut
à une absence de gêne, cet abaissement de la
pression est très bénéfique pour la
locomotion du cheval.
- Descente de mains : action de rendre la main, obtenue en abaissant
les deux mains. Cet abaissement a pour but de relâcher les
rênes sur un cheval qui se soutient. Il est aussi un des
moyens d'amener le cheval à se passer du secours de la main.
Les airs de haute école n'ont que plus de valeur s'ils sont
obtenus dans la descente de mains.
Le lacher-prise commence lorsque le cavalier est capable de laisser ses
rênes longues : cet acte en apparence anodin est très
difficile à réaliser pour certains. Certes, ils allongent
les rênes, le cheval s'étend un peu, mais les rênes
ne sont jamais complètement lachées, formant un bel
arrondi vers le bas. En début, en fin de séance, ou en
promenade, il arrive que des cavaliers ne perdent jamais le contact
avec la bouche. Ce refus d'accepter de ne pas contôler n'a que
des inconvénients : cheval qui tire tout le temps, cheval
assisté, cheval résigné et mou, cheval peureux...
selon le caractère du cheval.
Lorsque le cavalier est capable de détendre complètement
ses rênes sans que cela devienne une source de stress, il peut
alors se focaliser sur le bas de son corps. Chausser les
étriers, oui, mais souplement. L'appui excessif, pour ne pas les
perdre, raidit la jambe et l'assiette. Le serrement inconscient des
cuisses sur la selle, pour ne pas perdre l'équilibre,
empêche le fonctionenment de l'assiette et perturbe
l'équilibre. Plus un cavalier essaie de contrôler sa
position et son équilibre, moisn il devietn opérant pour
y parvenir, il doit laisser aller son corps, comme dans une danse avec
un partenaire : raide, il lui marcherait sur les pieds.
Tout cela n'est pas simple, il faut beaucoup travailler au pas avec un
cheval calme mais actif : rênes longues, sans étriers,
jambes relachées, la cuisse roulant légèrement
dans la selle, la pointe de pied pendante.
Pour une action, nous pouvons essayer de la contrôler,
de l'influencer, ou ni l'un ni l'autre, c'est à dire de faire une
action différente ou de différer l'action
prévue.
Par exemple, pour une demande de départ au galop, le
cavalier contrôle en imposant ses aides. Lorsque le cheval ne
répond pas comme il faut, le cavalier peut :
- renforcer ses aides pour obliger le cheval à partir
malgré tout : avec un risque d'échecs
conséquent sur le résultat, si le cheval ne comprend pas avec des aides légères, pourquoi
comprendrait-il mieux avec les mêmes aides
renforcées ?
- ou modifier / ajouter une aide pour influencer un peu plus le cheval
: Le cavalier veut s'imposer sans écouter les signaux que
lui envoie le cheval, donc sans diagnostiquer les
difficultés réelles amenant l'échec
dans la réponse du cheval. Le cheval risque de ne pas
comprendre mieux et le cavalier d'entrer dans une escalade des aides.
- ou bien, le cavalier peut se relâcher
complètement et rester au pas en faisant
éventuellement autre chose (figures, exercices au pas) et
différer son départ au galop à un
moment plus propice : permettre au cheval de revenir dans l'exercice
sans se braquer et après avoir fait une
préparation intelligente par rapport à la
difficulté ressentie lors du lacher prise
(problème de souplesse, d'équilibre,
d'engagement, d'endroit, de peur ...).
Le cavalier doit pouvoir faire avec ce qui est dans le
présent, car le cheval ne saurait reporter son stress, une
douleur, une peur, une incompétence, et encore moins les
contrôler.
Le perfectionnisme et l'acharnement conduits par ce besoin de
contôle est une pure perte d'énergie et de
bien-être. Jamais satisfaits, toujours frustrés,
les personnes qui n'arrivent pas à lâcher-prise se
heurtent à l'absurdité du désir de
contrôler ce que l'on ne peut ni changer ni influencer.
Il faut prendre conscience de ses émotions et surtout de la
peur liée à l'absence de contrôle : de
la crainte que le cheval ou les autres nous dominent, de la peur de se
tromper en laissant faire les autres, de la peur de faire confiance aux
autres. Il y a également un certain nombre de deuils
à faire pour arriver à lâcher-prise :
accepter d'abandonner ce à quoi nous tenons, d'abandonner la
recherche du résultat (en étant surpris de
l'atteindre malgré tout), d'oublier le passé, les
épreuves et les problèmes. Bref, cesser
d'être le jouet de nos pensées, de nos
émotions, de notre stress nécessite une grande
conviction mais permet de vivre le moment présent et de s'y
adapter pour en libérer l'essence.
Rendre notre cerveau flexible, s'ouvrir à autrechose au
lieu de se laisser agacer, c'est goûter le bonheur
d'être là, c'est profiter plus souvent de moment
de sérénité, donc de
s'épanouir plus facilement avec les autres tout en
reconnaissant leurs différences, c'est un peu voir toutes les choses de façon positive.
Lâcher-prise ce n'est pas abandonner, mais s'abandonner.
Bibliographie :
|