L'Equitation Pédagogique

pédagogie

Celui qui ne veut pas être aidé

On ne peut aider celui qui ne veut pas être aidé.

En tant qu'enseignante, j'ai parfois eu envie d'intervenir auprès de cavaliers en difficulté pour les aider à résoudre leur problème, sans qu'ils soient spécialement mes élèves. J'ai pratiquement toujours demandé l'autorisation "Est-ce que ça va ?" et si la réponse était oui, je passais mon chemin, même si je voyais bien que non.
On a également attendu de moi que j'intervienne dans certaines situations où la personne concernée ne demandait rien à personne, simplement parce que je représentais les compétences les plus élevées. J'ai toujours refusé : "Je ne peux pas aider celui qui ne veut pas être aidé", "Je ne peux sauver tous les chevaux."
Ce ressenti, inexpliqué mais réel, m'a souvent mis mal à l'aise, vis à vis du cheval et vis à vis de moi-même, à cause ou grace à une conscience professionnelle et l'amour des chevaux. J'avoue, l'élément humain m'a rarement ému. Quelques recherches me permettent de comprendre aujourd'hui un peu mieux les mécanismes de rejet partiel ou total de cet humain en difficulté.

amitié
L'empathie, c'est tendre la main à celui qui est dans le trou.
Ce n'est pas sauter dedans pour l'aider à remonter.
© Laurence Grard Guenard

Le rejet partiel de l'aide

Il s'agit ici de la personne qui ne refuse pas consciemment l'aide, mais qui butine tous les avis qu'elle trouve. Que nous l'aidions ou non, cela est totalement inefficace et nous aurons perdu notre temps. Cette personne s'en tient au dernier avis donné, jusqu'au prochain nouvel avis qui le remplace dans la chaine chronologique.
Aucun objectif n'est fixé, ou pour si peu de temps qu'il est inatteignable. La personne s'éparpille dans tous les sens et n'avance pas, rejetant la faute sur tous ses conseillers les uns après les autres. En abandonnant rapidement pour essayer toujours autrechose, la personne ne fait ni n'assume aucun choix, et n'arrive pas à faire preuve de persévérance.
Aucune méthode ne marche puisqu'elle n'est jamais essayée assez longtemps, ces échecs répétés amène la personne à demander encore d'autres avis, sans réellement leur faire confiance, donc sans jamais vraiment les appliquer, c'est un cercle infernal. Et pendant ce temps, elle ne prend pas non plus confiance en elle-même.
Nous voudrions juste l'aider, mais en l'aidant, nous ne l'aidons pas, nous entrons simplement dans le système de fonctionnement de cette personne : la peur de l'échec, la hantise de renoncer à toutes les possibilités en se contentant d'essayer une seule méthode, qui dénonce un manque d'estime de soi.

Solutions

La personne doit accepter de fixer des objectifs à court, moyen et long terme. Elle doit surtout accepter de choisir une voie et se faire confiance dans SON choix, même si cela implique la privation de tous les autres choix.
Pour l'aider, l'entourage ne donne surtout pas de conseils et ne reproche pas non plus une inaction éventuelle. Il faut aider la personne à formuler ce qui l'empêche de prendre une décision, lui faire prendre conscience qu'elle se focalise sur ce qu'elle pense perdre (et qu'elle n'a pas encore) plutôt que sur ce qu'elle va gagner (construire dans le temps).

Le rejet total de l'aide

En aidant quelqu'un en difficulté et qui n'a rien demandé, on intervient comme juge :

On démontre à l'autre, simplement par notre besoin (envie) de l'aider, que nous le jugeons INCAPABLE.
Qui aurait envie d'être aidé par quelqu'un dont la démarche commence par l'insulter ? Cette personne VEUT la possibilité d'y arriver seul, de développer ses compétences, son autonomie, d'être satisfait et épanoui.
Si elle n'ose refuser l'aide offerte, la personne devient assistée. Nous lui retirons son pouvoir d'agir et de décider. Car nous agissons et nous décidons pour elle. Nous prenons sa place, son expérience (l'expérience n'est pas transmissible, chacun doit faire la sienne), sa vie.
En nous imposant, en nous arrogeant une ascendance sur cette personne, nous ébranlons sa confiance en elle. Nous freinons son évolution ou lieu de la permettre. C'est gênant pour des éducateurs, même sportifs. Et nous sommes détestables et détestés.
En voulant aider ceux qui ne demandent pas d'aide, nous serons donc normalement et très justement rejetés.

confiance en soi
La confiance en soi s'acquiert dans les difficultés © Laurence Grard Guenard

Toute utilisation de textes des sites attelagepeda et equipeda, sans autorisation écrite précisant les droits de reproduction, est formellement interdite, sous peine de poursuites.