L'Equitation Pédagogique

pédagogieOct 2025

Bousculer son cheval
Quand l’impatience devient maltraitance invisible

Le fait d’imposer brutalement, de forcer, de malmener ou de “démarrer à la hussarde” un cheval dans l’apprentissage ou le dressage, oui, c’est bousculer un cheval et c’est un thème qui a déjà été abordé, notamment sous la forme de critiques de méthodes agressives ou de débourrage violent.
Mais aujourd’hui, je veux vous parler d’une maltraitance bien plus sournoise, celle des cavaliers persuadés de bien faire.

1 Que veut dire « Bousculer un cheval »

    J'entends, par "bousculer un cheval » l’ensemble de ces étapes :
  1. Lui demander quelque chose alors qu'il n'est pas prêt.
  2. Le résultat est brouillon.
  3. L’obliger à trouver la bonne réponse sans attendre.
    Mais aussi :
  1. Ne pas se rendre compte d’être un cavalier brouillon : s’agiter dans ses demandes et mettre la pression sur le cheval
  2. Le résultat est brouillon.
  3. Insister laborieusement sans se poser de questions, utilisant la force et la violence (coups de talons à répétition, coups de cravache intempestif, coups dans la bouche volontaires et involontaires.

bousculer et précipitation
Bousculer et précipiter © LGG

2 Les conséquences

Cette maltraitance ordinaire est presqu’invisible parce qu’elle est faite de bonnes intentions et de maladresse plus que de dureté consciente.
Demander trop, trop vite ou trop fort, trop « n’importe comment », sans écouter suffisamment l’animal s’apparente bien à de la maltraitance animale. Je n’aborde même pas l’utilisation des enrênements.

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Enrêner et bousculer © LGG

3. Ils en ont déjà parlé

Certains auteurs et enseignants (issus de l’éthologie, de la biomécanique ou du dressage conscient) parlent de :

Ces situations, qu’on pourrait nommer « décrochages », ne sont pas toujours perçues par l’humain, et marquent la frontière entre l’échange collaboratif et le début de la maltraitance.

4. Pourquoi parler de maltraitance ?

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S'agiter et bousculer © LGG

Cette frontière, beaucoup de cavaliers la traversent sans conscience, ou en jugeant leurs actions acceptables. Mais la dimension éthique intermédiaire du « trop sans violence » n’existe pas, car le « trop » est assurément dommageable d’une façon ou d’une autre.
Ces dommages ne sont pas forcément irréversibles si la frontière n’est pas franchie exagérément mais cela va prendre du temps pour revenir à l’état antérieur :

Il faudra absolument utiliser cet ordre : le mental avant le physique.
Ceux qui seraient tentés de s’occuper d’abord du physique (visible) au moyen d’enrênements par exemple, retomberaient exactement dans la spirale de la maltraitance, sans avoir progressé dans la prise de conscience de la violence qu’ils infligent.

5. Le cheval me bouscule ?

Le cheval devient parfois le miroir de notre propre agitation intérieure.
Quand il me bouscule, ce n’est pas toujours un manque de respect : c’est peut-être le reflet de la pression que j’exerce sans m’en rendre compte.
Je dois me demander si je ne l’ai pas conduit moi-même à me bousculer parce que je l’ai bousculé, consciemment ou inconsciemment, consciemment mais sans avoir conscience de la portée de ce que je faisais réellement.
Je ne parle pas d’un défaut d’éducation en main, et du respect de l’espace individuel. Je parle des chevaux qui sentent notre pression, notre impatience, notre « violence contenue » et qui se précipite, se dépêche de nous trouver une réponse, qui nous craignent et veulent nous fuir… ce faisant, tant pis si nous sommes sur leur chemin.
De quelle manière traitons-nous notre cheval, que lui imposons-nous ? Travaillez-vous dans le respect ou non ? En êtes-vous vraiment sûrs ? Nous posons-nous des questions sur ses expériences passées, cause possible d’un comportement inadapté aujourd’hui ?

Conclusion

Bousculer son cheval, ce n’est pas toujours le frapper. C’est parfois le presser, le noyer, le perdre dans notre précipitation.
Le cheval qui se tait, qui s’éteint, n’a pas cessé de nous parler : il s’est résigné.
Apprendre à attendre, à doser, à sentir le moment juste, c’est aussi une forme d’équitation — celle qui construit un cheval confiant, curieux, et vraiment partenaire.
Peut-être la plus exigeante, parce qu’elle nous demande de commencer par nous-mêmes.
Le mental avant le physique, toujours.

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Se remettre en question (cavalier) © LGG

Aller plus loin et avoir un regard critique

Les méthodes agressives et les débourrages violents détruisent physiquement et mentalement les chevaux.

  • Il existe beaucoup de méthodes traditionnelles violentes : usage de cordes, coups, ou coercition jusqu’à obtenir une soumission totale.
  • L’utilisation d’une « zone d’inconfort utile » préalable à une « zone de panique » reste du harcèlement moral.
  • L’usage du renforcement négatif ou de la punition montre ses limites : la peur ou la contrainte n’éduquent pas durablement.

Exemple : La méthode de débourrage en box
Dans un box, il a peu ou pas du tout d’échappatoire. Si le cheval n’est pas prêt, cela peut le confronter directement à un stress qu’il ne peut “gérer” autrement que par la résignation. C’est une soumission par défaut.
La progression n’est pas toujours adaptée au tempérament du cheval (sensibilité, peur) : manque d’adaptabilité.
La méthode ne se base pas sur la désensibilisation selon le rythme d'apprentissage du cheval, mais sur la résignation acquise. On fait tout en même temps, dans des conditions où le cheval ne peut pas exprimer de défense.
La méthode est critiquée pour laisser des traces de sensibilité ou d’appréhension : beaucoup de travail pour remettre en confiance.

Ce qui pourrait poser problèmePourquoi / conséquences possibles
Utiliser le box comme lieu de montée ou de travail monté très tôtLe cheval n’a pas la possibilité de s’échapper, d’exprimer un refus, ce qui peut provoquer de la peur, de la frustration, de la résignation. Le box peut devenir “lieu de stress”.
Aller trop vite dans la progression, ne pas prendre en compte le tempérament individuelLe cheval sensible ou craintif pourrait subir un traumatisme, développer des défenses que l’on voit plus tard : panique, refus, manque de confiance.
Méthode appliquée sans grande expérience ou avec manque d’adaptabilitéLe risque de “mal appliquée” est élevé : ce qui est acceptable/ou normal pour un cheval très stable peut être catastrophique pour un autre.
Absence de phases de “reprendre confiance” après des étapes stressantesSi le cheval est “pressé” à accepter, mais n’a pas le temps de digérer l’expérience, cela peut entraîner des séquelles invisibles.
Le discours de rapidité / efficacité peut pousser à oublier les signaux du chevalSi c’est l’objectif prioritaire, il y a un risque de ne pas entendre le cheval quand il dit “je ne suis pas prêt”.

Les fondamentaux de l'attelage Les fondamentaux du travail aux longues rênes galops 1 à 4 et 5 à 7 Je fais confiance à mon cheval
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